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Le blog de lesbellesfontaines.over-blog.com Nous sommes des résidents qui vivons sur le Foyer de Vie Fontaine Bouillante à Sainte Mesme (Association APAPHPA Les Maisons de Lyliane) et qui souhaitons partager nos différentes expériences avec d'autres internautes.

la rubrique hstorique de Manon

lesbellesfontaines

26 juillet 2013 5 26 /07 /juillet /2013 10:16

 

 

C’est au Moyen Âge, plus précisément  en 1051, que la princesse Anne quitta sa ville natale Kiev pour aller épouser Henri Ier, roi de France, petit-fils de Hugues Capet. «  Anne semblait digne en tous points de devenir la compagne du roi français. Elle était la fille de Yaroslav le  Sage, grand prince des Ruthènes, dont les exploits contre Boleslav, roi de Pologne, avaient porté le nom jusqu’aux confins de l’Occident. » Son aïeul Vladimir le Grand s’était  élevé à un haut degré de puissance et, en introduisant le christianisme parmi ses peuples, en 988, leur avait fait prendre place au milieu des nations civilisées. Yaroslav le Sage recueillit l’héritage de Vladimir le Grand. Il fut baptisé en même temps que son père (sous le nom de Youri). Parvenu au pouvoir, il poursuivit la politique de son père et amena l’Etat Kiévien au sommet de sa puissance. Il agrandit Kiev, l’entoura d’un mur d’enceinte, édifia de nombreuses églises et des palais. Il se soucia de l’élévation du niveau d’instruction et fonda des écoles. La célèbre Laure de Petchersk, important centre de monachisme et de rédaction des chroniques, fut elle aussi fondée sous son règne.

 

   Sous Yaroslav le Sage, l’Etat Kiévien entretenait  de nombreuses relations internationales. Yaroslav établit des alliances dynastiques avec les familles régnantes de l’Europe entière. Lui-même épousa une  Suédoise nommée Ingégerde. Ils eurent 9 enfants : leurs fils Iziaslav qui épousa une princesse polonaise, Vsevolod, une princesse byzantine, Sviatoslav, la petite fille de l’empereur germanique  Henri II.

 

Quant aux filles, Elisabeth, la sœur aînée d’Anne, épousa l’étonnant aventurier Harald le Brave, roi de Norvège, à qui Oslo doit sa fondation en 1058.  Veuve, elle s’unit en secondes noces à Sven, roi de Danemark. Sa plus jeune sœur Anastasia, se maria  vers 1050 avec le roi de Hongrie André Ier, et Anne épousa Henri Ier, le roi de France.

 

  Malgré 30 ans de règne, Henri Ier est peu connu en France. Par son aïeul Hugues Capet, il descend de Robert le Fort et d’Othon de Saxe, ancêtre des Capétiens et de la dynastie saxonne des empereurs de Germanie. Son père Robert le Pieux eut pour précepteur le moine d’Aurillac, un européen au savoir universel,  tour à tour astronome, musicien, diplomate. A l’école de ce savant pédagogue, il devint un prince cultivé, savant même, poète et musicien, en même temps que souverain d’assez grande allure. Il avait voulu pour ses fils une instruction sérieuse, comme celle dont il avait lui-même bénéficié. Mais les circonstances firent de lui un guerrier, tenace et courageux, plus qu’un homme de gouvernement. Il connut sans doute la période la plus difficile qu’ait traversé la dynastie capétienne.

 

   Henri eut quant à lui une enfance difficile ; sa mère, la belle et impérieuse Constance d’Arles, fille du comte de Toulouse Guillaume Taillefer, ne l’aimait pas et lui préférait ses cadets. Sacré à Reims le 14 mai 1027, il prit le pouvoir quatre ans plus tard, à la mort de son père, ce qui fut l’occasion pour Constance de lui créer toutes sortes de difficultés, soulevant même contre lui ses deux jeunes fils Robert et Eudes. Mais c’est seulement après la mort de sa mère en 1032, qu’il put songer à s’établir lui-même et à fonder une famille.

 

 

   Mais pourquoi Henri 1er, roi de France, choisit Anne pour épouse ? Après avoir perdu en 1044 son épouse Mathilde, fille de l’empereur Henri II, qui ne lui avait pas donné d’héritier, il hésita longtemps avant de la remplacer. Il chercha vainement pendant plusieurs années une princesse en Germanie, car l’église s’opposait à des mariages consanguins, jusqu’au septième degré de parenté. Henri avait le désir de consolider la jeune dynastie capétienne par une union plus féconde que la première. Et lorsqu’il entendit vanter la beauté  d’une jeune princesse, dont le père régnait à Kiev, cette ville splendide, aux quatre cents églises, aux coupoles dorées, il décida de demander la main de la fille de Yaroslav le Sage qui occupait un rang glorieux parmi les princes de son temps. Même si ce pays lointain était alors quelque peu mystérieux et peu connu des peuples d’Occident, la renommée de Yaroslav le Sage était parvenue jusqu’à la cour d’Henri Ier. La France n’avait pas seulement besoin d’un héritier, mais de renforcer ses alliances et d’augmenter son prestige auprès des autres royaumes.

 

   Lorsque Henri Ier prit la décision d’envoyer les messagers au « Roi des Ruthènes » pour lui demander la main de sa fille, il chargea de cette mission une équipe brillante, Roger II, évêque de Chalon, Gauthier, évêque de Meaux, Gosselin de Chauny et plusieurs autres grands du royaume. Le retour de cette suite avec la princesse eut lieu entre 1049 et 1050. Le mariage fut célébré le jour de la Pentecôte,  le 19 mai 1051, dans la cathédrale de Reims. Ce mariage ne pouvait que renforcer le pouvoir d’Henri Ier, et garantir des liens avec un état puissant, l’Etat de Kiev. Il semblerait qu’à compter de 1059 et jusqu’à la fin du XVIIIème siècle, plusieurs rois de France, en accédant au trône prêtèrent serment sur un très ancien Evangéliaire que la princesse Anne avait amené avec elle de Kiev. Il est l’un des plus anciens documents de langue ruthène écrit en cyrillique et glagolitique, conservé à la Bibliothèque Nationale.

 

 

   Anne semblait s’être acclimatée en France : elle partagea la vie errante de son époux, celle des rois et seigneurs en général qui allaient de résidence en résidence, mais elle marqua apparemment quelques prédilections pour celle de Senlis. Le couple royal eut trois enfants : Philippe qui régna après son père, Robert qui mourut jeune et Hugues le Grand, plus tard comte de Crépy et chef de la branche royale de Vermandois.

 

   Selon les témoignages des chroniques, le couple royal paraissait bien s’entendre ; le nom de la reine Anne était mentionné à côté de celui du roi, dans plusieurs actes. Ainsi, le 12 juillet 1058, son nom parut dans un diplôme donné par Henri Ier au monastère de Saint- Maur-des Fossés. La même année elle confirma la charte donnée par son époux en faveur de l’abbaye de Hasnon. Le 29 mai 1059, la reine assista au sacre de son fils Philippe à Reims. A ce moment-là un acte fut donné en faveur du monastère de Tournus.

 

   Henri Ier mourut à Vitry-aux Loges près d’Orléans, le 4 août 1060, à l’âge de 52 ans. Après sa mort, Anne se retira avec ses enfants au château de Senlis. Elle conserva la tutelle et la garde du jeune roi. Au cours des trois années qui suivirent la mort d’Henri, le nom de la reine Anne figura encore dans plusieurs pièces.

 

 Il existait à Senlis, au faubourg de Vietel ou Vitel, une petite chapelle en ruines, dédiée à Saint-Vincent. Autour de cette chapelle s’étendait un vaste pré, appelé le Pré -du-Roi. C’est sur ce terrain que la reine fit construire son abbaye, avec la permission de son fils Philippe. Les travaux terminés le 29 octobre 1065, la consécration de l’église put avoir lieu.

 

   Après la mort de son époux, Anne se consacra à l’éducation de ses enfants, tout en remplissant un rôle politique indiscutable au cours de la première année de régence. Elle agit en souveraine auprès de son fils Philippe, c’est pourquoi son nom fut souvent mentionné à côté de celui-ci.

 

   Puis soudain, elle disparut, on ne parla plus d’elle, ou très peu. Cette brusque disparition nous autorise à placer au cours du deuxième semestre 1061 l’intervention de Raoul, comte de Crépy et de Valois dans la vie personnelle de la reine. La chronique de son temps nous le présente comme un seigneur intelligent, ambitieux, peu scrupuleux, qui ne craignait ni l’armée du roi, ni les censures de l’église, ni l’opinion publique. Il attaqua et s’empara de tout ce qui lui convenait : villes ou châteaux, car c’était un bon chef militaire. Il commença par hériter de Gautier III, son cousin, mort sans enfants, des comtés d’Amiens, de Chaumont, de Mantes et de Pontoise. Puis son épouse Adélaïs, fille du comte Vaucher, lui apporta les seigneuries de Bar-sur-Aube, et de Vitry en Pertois. Sa seconde épouse Haquenez, apparentée aux comtes de Champagne, lui apporta aussi quelques avantages territoriaux.  Raoul devint ainsi un personnage puissant. Ce vassal intraitable était à ménager. Henri le savait, c’est pourquoi Raoul apparaissait souvent à la cour. 

 

   Restée veuve à l’âge de 30 ans, Anne épousa Raoul de Crépy. Ce mariage survenu 2 ans après la mort d’Henri eut lieu dans des circonstances assez particulières puisque Raoul, déjà veuf de sa première femme, s’était remarié en 1053 avec Haquenez, qu’il avait ensuite accusée d’adultère et songé à répudier. Aucun chroniqueur, aucun document d’époque ne parle de rapt. Il faut attendre l’historien Mézeray, pour apprendre qu’il s’agit d’un enlèvement. Le pape Alexandre II, mis au courant de ce mariage contraire aux lois ecclésiastiques, excommunia Raoul.

 

   Les réactions de l’entourage furent vives. La lettre que le pape avait adressée à la reine Anne est remplie d’exhortation sur les devoirs d’épouse et de mère : «  après des compliments sur sa générosité, sa bienveillance envers les pauvres, ses libéralités qu’elle leur fait, il lui conseille de conserver la soumission à l’Eglise, d’y exhorter le roi et d’élever ses fils dans une saine justice ». 

 

   Nous savons peu de choses sur ce que fut la vie d’Anne devenue comtesse de Crépy. En 1063, elle se trouvait à Soisson où son fils Philippe confirma une donation faite en faveur de l’abbaye St-Crépin. Le roi signa d’une croix, à côté du monogramme qui le désignait « Philipus ». Anne signa à son tour d’une croix, en caractère slavon. A plusieurs reprises les diplômes royaux ou autres de l’époque signalent sa présence aux côtés de Philippe à Corbie ; en 1067 ils se retrouvent à Amiens.

 

Raoul de Péronne mourut en 1074. Après sa mort Anne se retira à Senlis, près de son fils le roi Philippe et du prince Hugues, qui assistait son frère dans le gouvernement. Crépy sans Raoul ne signifiait plus rien pour elle. Sa dernière signature date de 1075, sur un diplôme en faveur de l’abbaye de Pontlevoy, près de Blois. Il est probable qu’Anne quitta la cour peu après. A ce moment-là elle n’avait que 52 ou 53 ans. Il y a tout lieu de croire qu’elle se retira dans quelque monastère où elle finit en paix ses jours, dans la prière et dans la pénitence.

 

   Au XVIIe siècle, un savant jésuite, le père François Ménestrier, fait une étrange découverte dans l’abbaye de Villiers en Gâtinais. Il s’agit d’une tombe plate dont les extrémités sont rompues. On peut y voir la figure gravée d’une femme, ayant sur la tête une couronne en forme de bonnets que l’on destinait aux grands électeurs. La coiffure décrite par Ménestrier ressemble à celle que portaient les princes de Kiev. Nous savons que l’abbaye de Villiers ne fut fondée qu’en 1220, par conséquent, la reine morte beaucoup plus tôt ne peut y avoir été enterrée. Il est probable que son corps y fut transporté 50 ans après sa mort. L’hypothèse qu’elle soit retournée dans son pays ne repose sur aucun fait précis et paraît tout à fait invraisemblable. Pour quelle raison, un quart de siècle après avoir quitté son pays, une princesse devenue tout à fait française, aurait voulu aller finir ses jours sur les bords du Dniepr ? Elle n’y aurait plus retrouvé que des collatéraux indifférents ou hostiles. Son père étant mort, en 1075, ses frères Sviatoslav et Iziaslav se disputaient le trône paternel avec acharnement depuis plusieurs années et Anne ne pouvait l’ignorer. Ainsi, on ne voit guère les raisons d’un retour au pays de son enfance, mais il est encore plus difficile d’imaginer « qu’elle ait pu briser les liens de l’affection maternelle, et tout autant ceux de l’affection pour son peuple auquel elle était profondément attachée, elle, princesse de Kiev qui était devenue reine de France ».

                                

Par Olga Mandzukova-Camel, professeur émérite à l’INALCO

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